Ciprian Muresan travaille à partir d’œuvres artistiques et littéraires qu’il s’approprie et inscrit dans une réflexion transversale sur l’histoire récente de la Roumanie et des pays de l’Est, et plus généralement sur les réalités du monde contemporain. Pour sa première exposition personnelle en Suisse, Ciprian Muresan présente deux nouvelles pièces, dont une installation intitulée Recycled Playground, à laquelle répond une nouvelle création vidéo, qui donne le titre et le ton de l’exposition – ainsi qu’une sélection d’œuvres significatives. Entre humour et critique, l’artiste pointe les structures et les procédés de toute forme de pouvoir.

Ses œuvres (vidéos, dessins ou installations), reprennent et détournent des œuvres iconiques de l’art moderne et contemporain, qu’il contextualise et sur lesquelles il porte un regard parfois ironique et désenchanté (Klein ou Kippenberger p.ex.). Faisant souvent référence à la littérature, notamment Kafka et Ionesco, Muresan analyse les structures du pouvoir, le conditionnement des idéologies – politiques, religieuses ou économiques. Dans des œuvres souvent grinçantes, il évoque les réalités de la Roumanie d’aujourd’hui : le rapport ambivalent à l’histoire récente, les changements politiques et d’idéologies (notamment la fin du communisme), la fascination des pays de l’Est pour les cultures de l’Ouest et la perte des traditions et des produits locaux.

Si la situation des pays de l’Est est un point de départ, elle s’inscrit dans une réflexion plus globale sur le monde contemporain, marqué par la fin des utopies et dominé par le divertissement – une culture de consommation globalisée et consensuelle. Ainsi chez Muresan, Shrek et Fiona remplacent les acteurs d’« Un Chien Andalou » ; contamination de la culture occidentale de masse dans ce film profondément subversif de la modernité, mais aussi référence à la culture populaire roumaine, notamment au théâtre de marionnettes.

La référence aux formes du divertissement permet à l’artiste de porter un regard décalé, d’exprimer un discours critique de manière moins frontale et qui, utilisant des formes familières, gagne en efficacité. Les marionnettes présentes dans plusieurs films parlent de protestation sociale ou de torture. Recycled Playground, la nouvelle production pour l’exposition, reprend la forme du petit train, dont les wagons sont des poubelles roumaines; l’humour et le jeu comme véhicule des idées. Sur ce ‘terrain de jeu recyclé’, la figure de l’enfant occupe une place de choix : petite éponge conditionnée par les idéologies ambiantes, il est le symptôme des sociétés, au cœur de la construction de l’identité et de l’uniformisation de la pensée. Qu’elles abordent des questions directement politiques ou historiques, ou empruntent des chemins plus poétiques, humoristiques ou évocateurs, les œuvres de Ciprian Muresan proposent une réflexion sur les différentes réalités du monde contemporain.

Né à Dej en 1977, Ciprian Muresan vit et travaille à Cluj-Napoca (Roumanie). Son travail a notamment été présenté récemment à la Secession de Vienne, à la NBK de Berlin, au Wyspa Institute of Art de Gdansk, au Centre Georges Pompidou à Paris, à la Renaissance Society de Chicago, au Centro Cultural Montehermoso à Vitoria, au Witte de With de Rotterdam et au New Museum de New York. Ciprian Muresan a également exposé dans le Pavillon Roumain de la 53e Biennale de Venise et a participé à la 17e Biennale de Sydney. Il est représenté par Plan B à Cluj et Berlin, Andreiana Mihail Gallery à Bucarest, Nicodim Gallery à Los Angeles, David Nolan Gallery à New York et Wilkinson à Londres.

Dans le cadre du programme de médiation du Centre, une ARTY NIGHT est organisée le 19 avril à 19h. Autour de l’art et du cinéma contemporains en Roumanie, la table-ronde réunira Andrei Ujica (réalisateur) et Ciprian Muresan, et sera modérée par Jean Perret, responsable du Département cinéma/cinéma du réel, HEAD (Genève).

Une proposition de Katya García-Antón, organisée en collaboration avec le FRAC Champagne-Ardenne (France) et la Contemporary Art Gallery de Vancouver (Canada).