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Chiara Fumai

Chiara Fumai
Poems I Will Never Release, 2007-2017


Une proposition de Francesco Urbano Ragazzi et Milovan Farronato en collaboration avec Andrea Bellini


En novembre 2020, le Centre d’Art Contemporain Genève a eu l’honneur d’inaugurer Poems I Will Never Release (« Ces poèmes que jamais je ne publierai »), première rétrospective consacrée à l’œuvre de Chiara Fumai (Rome, 1978 – Bari, 2017). L’exposition est organisée par Francesco Urbano Ragazzi et Milovan Farronato en collaboration avec Andrea Bellini.

Trois ans après la mort prématurée de Chiara Fumai, plusieurs institutions ont décidé de revenir sur son œuvre afin de préserver son héritage et le transmettre à un large public. Ces deux prochaines années, cette exposition jouera donc un rôle décisif pour étudier une personnalité qui a fortement contribué à développer les langages de la performance et de l’esthétique féministe du XXIe siècle.

Poems I Will Never Release met en scène une sélection très complète d’œuvres qui traduisent et concrétisent, sous forme matérielle, les performances insaisissables que Chiara Fumai a volontairement et systématiquement refusé de documenter.

Refusant de se laisser victimiser, minorer ou circonscrire dans un statut d’artiste femme, Chiara Fumai s’est appropriée les champs sémantiques de la menace, de l’offense, de la révolte, du vandalisme, de la violence et de l’ennui afin de créer des situations, des collages et des environnements inconfortables, complétés par différentes actions susceptibles de nourrir ses idéaux d’un féminisme anarchiste. Jouant avec ironie d’une « fiction véritable » et s’appuyant sur les techniques du remix et de l’appropriation, les performances de Chiara Fumai évoquent des figures féminines dont la force et la colère, si elles leur ont values de marquer l’histoire humaine, ne les ont pas empêchées d’en être aussi vite exclues et oubliées. Parmi beaucoup d’autres, on citera la femme à barbe Annie Jones, une des attractions du cirque P.T. Barnum ; la « beauté circassienne » Zalumma Agra, elle aussi régulièrement présentée par Barnum ; la terroriste allemande Ulrike Meinhof ; la médium analphabète Eusapia Palladino ; la philosophe et révolutionnaire socialiste Rosa Luxemburg ; ou encore l’écrivaine féministe Carla Lonzi. Cette remarquable et singulière galerie de portraits égrène également quelques noms masculins, tels le magicien Harry Houdini ou Nico Fumai, le premier personnage de fiction jamais inventé par Chiara Fumai et que son origine biographique a rendu unique. Avec Nico Fumai, l’artiste a non seulement imaginé une nouvelle profession de chanteur pour son père, mais elle a également transformé son goût pour l’Italo Disco des années 1980 en stratégie destinée à commenter une époque historique spécifique à partir d’un certain nombre de domaines de recherches.

L’exposition présente en outre deux des espaces domestiques qui ont marqué la carrière de Chiara Fumai. La première, intitulée The Moral Exhibition House (« La maison de l’exposition morale »), est un environnement qui n’avait encore jamais été remontré depuis sa création en 2012 lors de la documenta (13) à Kassel. L’œuvre joue le rôle d’un espace d’insurrection féministe déguisé en un freak show empreint de domesticité. La seconde, une maison-musée, reproduit une pièce de l’appartement milanais où l’artiste a vécu la majeure partie de sa vie d’adulte. Cet environnement, sorte d’autocélébration dévoyée que Fumai avait prévu de montrer dans le cadre d’une rétrospective future, présente désormais une sélection de vêtements de scène, d’accessoires, de livres et de disques vinyles. Tous ces documents proviennent des archives de l’artiste, qui sont en partie conservées à Bari par The Church of Chiara Fumai – l’organisation chargée de préserver la mémoire et l’héritage de l’artiste – et dont certains éléments ont fait l’objet d’une donation au Castello di Rivoli – Musée d’art contemporain de Turin.

I Did Not Say or Mean “Warning” (« je n’ai pas dit ou voulu dire ATTENTION »), une œuvre qui exprime l’esprit d’une femme anonyme guidant le public à travers la collection d’art historique de la Fondation Querini Stampalia à Venise, sera montrée telle qu’elle a été présentée lors du Furla Art Award dont Chiara Fumai fut lauréate en 2013. L’exposition inclut aussi Chiara Fumai reads Valerie Solanas (« Chiara Fumai lit Valerie Solanas »), sorte de propagande fictive produite par Fumai à partir du S.C.U.M. Manifesto de Valerie Solanas et qui reflète la première campagne de l’homme politique italien Silvio Berlusconi. L’exposition comprendra également The Book of Evil Spirits, une installation vidéo produite en 2015 pour CONTOUR 7 – A Moving Image Biennale, dans laquelle l’artiste documente, en réécrivant rétrospectivement l’histoire de ces actions réalisées en public, une série de séances de spiritisme vécues par la médium Eusapia Palladino. Un ensemble de dessins muraux témoigneront enfin de l’intérêt porté par Fumai pour les expériences médiumniques et la magie noire, parmi ceux-ci figure This Last Line Can Not Be Translated (« Cette dernière ligne ne peut pas être traduite »), produit par l’artiste pour le Premio New York en 2017 et présenté à titre posthume lors de la 58e Biennale de Venise en 2019.

Grâce à son importante sélection d’œuvres et de documents, cette rétrospective tente de saisir ce que Chiara Fumai aimait appeler son « slavoro » (ou « unwork » en anglais, que l’on pourrait traduire par non-travail) – soit l’ensemble de sa production performative établie sur près de dix ans, dépassant ainsi très largement le seul cadre des performances qui l’ont fait connaître. Le titre de l’exposition s’inspire d’une sculpture inachevée – celle du dernier autoportrait de l’artiste, sous la forme d’une marionnette portant un t-shirt sur lequel est écrit Poems I Will Never Release. La phrase peut sembler mélancolique tant elle évoque ce qui aurait pu advenir si l’artiste avait poursuivi sa carrière. Elle énonce aussi un état de fait : Chiara Fumai, dont l’œuvre se fondait sur l’interprétation de mots écrits par d’autres, n’a jamais composé ses propres poèmes. Elle a plutôt canalisé les paroles de toutes ces femmes qui réclamaient vengeance et cherchaient à obtenir une reconnaissance historique méritée. Cette rétrospective n’est donc pas seulement dédiée à Chiara Fumai, mais aussi à toutes celles qui l’ont précédée.

Cette exposition sera présentée au Centro Pecci, Prato (printemps 2021), à La Loge, Bruxelles (automne 2021) et à La Casa Encendida, Madrid (2022).

Édité par Nero Editions, un catalogue monographique, le premier jamais consacré à l’œuvre de Chiara Fumai, accompagnera cette rétrospective. Ce volume comportera des textes signés Irene Aristizabal, Andrea Bellini, Federico Campagna, Milovan Farronato, Gabriel Lester et Raimundas Malašauskas, Chus Martinez, Mara Montanaro, Cristiana Perrella et Marcello Bellan, Francesco Urbano Ragazzi et Giovanna Zapperi. Cette publication reçoit le soutien du programme de l’Italian Council (7e édition, 2019) visant à promouvoir l’art contemporain italien dans le monde par la Direction générale de la créativité contemporaine du Ministère italien du patrimoine, des activités culturelles et du tourisme.

Image de couverture: Chiara Fumai, The Book of Evil Spirits, 2015. Image vidéo. Courtesy the Church of Chiara Fumai

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